Mars 2011
Êtes-vous un adepte du multitâche? Eh bien, une étude récente, réalisée en avril 2010 par le professeur en sciences cognitives Jason Watson de l’Université de l’Utah, révèle qu’une infime partie de personnes, soit 2,5% seulement de la population, seraient capables de réaliser deux tâches simultanément sans que cela nuise à leur concentration. Quant au 97,5% des gens restant, leur cerveau ne parvient tout simplement pas à garder son efficacité en mode multitâche.
Pour arriver à cette statistique, le département des sciences cognitives de l’Université de l’Utah a fait passer un test à 200 participants. Ces derniers devaient tester un simulateur de conduite tout en soutenant une conversation téléphonique qui exigeait d’eux un minimum de concentration.
Selon le professeur Watson «une zone particulière du cortex frontal gère l’attention accordée aux différentes tâches. Lorsque l’on tente de faire deux choses à la fois, il en résulte une sorte de compétition pour accaparer les ressources limitées du cerveau.» Voilà pourquoi il est dangereux de conduire en téléphonant. Cela explique également pourquoi le mot «productivité» ne s’applique pas à ceux qui tentent d’écrire un rapport important tout en surveillant l’écran de leur téléphone intelligent.
En effet, si les résultats de ce test présentent des applications concrètes en matière de prévention routière, ils tendraient également à démontrer que le multitâche ne serait pas un instrument de productivité au travail mais, au contraire, un facteur de dispersion.
Aussi une deuxième étude, réalisée par des chercheurs français en avril 2010 et publiée dans la revue Science, conclut que le cerveau humain n’est pas conçu pour faire plus de deux choses à la fois. Selon les conclusions de cette étude, lorsqu’une personne est confrontée à une seule activité, les deux lobes frontaux du cerveau demeurent actifs. Toutefois, lorsqu’il faut traiter deux tâches en même temps, chaque lobe frontal se voit affecté à une tâche bien précise. Cependant, dès lors qu’une troisième activité s’amorce, les chercheurs constatent une augmentation du nombre d’erreurs et un temps de réponse de plus en plus médiocre.
Un cerveau en monotâche
Ainsi les experts sont unanimes: le cerveau humain semble être résolument monotâche, à savoir qu’il est fait pour traiter une seule tâche à la fois (ou deux, à la limite).
Pourtant le concept du multitâche est bien à la mode et plusieurs personnes s’entêtent à vouloir tout faire en même temps, comme de répondre à leurs appels téléphoniques ou à leurs courriels dans la seconde. Pour les personnes multitâches, «tout est source de distraction», conclut une autre étude de l’Université de Stanford réalisée en août 2009. Les personnes multitâches figurent parmi celles qui possèdent la moins bonne capacité d’attention.
Si vous vous retrouvez dans cette manie du multitâche, voici quatre conseils que vous pourriez suivre:
- Reconnaissez que votre cerveau ne peut faire qu’une seule chose à la fois (ou deux, à la limite) et le faire bien. Concentrez-vous donc sur les activités les plus importantes plutôt que d’essayer de tout faire.
- Prenez l’habitude de rédiger une liste d’activités pour la journée, de les prioriser et de vous allouer un temps spécifique pour chaque tâche.
- Avant de commencer à travailler sur vos priorités de la journée, éteignez votre téléphone cellulaire, activez votre boîte vocale et résistez à la tentation de vérifier vos courriels. Rappelez-vous que cette consigne n’est appliquée que pour un temps relativement court, c’est-à-dire le temps de terminer la tâche que vous avez planifiée.
- Instaurez des «journées sans interruptions». Le manque d’attention et de concentration au travail représente un tel fléau que certaines entreprises ont décidé d’établir des «journées sans interruptions» pour permettre à leurs employés de se consacrer, sans être interrompus, à des projets qui exigent réflexion et concentration. C’est le cas d’Intel, aux États-Unis, qui a mené un projet pilote. Pendant sept mois, une fois par semaine pendant quatre heures, 300 ingénieurs et gestionnaires se sont isolés dans leur bureau avec un écriteau «ne pas déranger» sur leur porte. Ils ont cessé de vérifier leurs courriels et ont dirigé tous leurs appels vers une boîte vocale. Les résultats se sont avérés très positifs. Selon Intel, cette période calme a aidé les employés à améliorer leur efficacité.
Les chercheurs continuent à diriger des études sur le multitâche pour mieux en comprendre les effets. En attendant, peut-être vaudrait-il mieux s’inspirer de la citation toujours d’actualité de Didier Esrame: «Celui qui court deux lièvres à la fois n’en prend aucun.»
Sur ce, je vous souhaite un excellent mois de mars et au plaisir de vous retrouver le mois prochain.